- “Salutations, mon chou
- Bonjour, Déesse
- Oui, mon chou. Je suis allé faire une longue promenade aujourd’hui. Tu devrais nettoyer mon pied sale et transpirant avec ta langue.
- Oh ! Déesse, es-tu sûre ?
- Mets-toi par terre. C’est là que tu dois être.”
« Voilà un peu le genre de conversation que je suis amené à avoir avec mes clients. Les hommes m’appellent pour parler de tout, de ce qu’ils ont mangé au déjeuner à la cocasserie, la domination financière, les fétichismes des pieds et l’hypnose érotique. C’est en fait un dialogue fripon pendant lequel ils peuvent se masturber et qui, avec le travail sexuel par téléphone, me rapporte près de 100 000 € par an.
J’ai commencé à travailler dans le domaine du téléphone rose après avoir vu une annonce dans les dernières pages d’un journal local. Je ne savais pas conduire et, vivant dans une banlieue européenne, j’avais besoin de quelque chose que je pouvais faire de chez moi. Au départ, je pensais que le travail consistait à enregistrer des voix drôles, mais lors de l’entretien, on m’a donné tous les détails.
Très vite, j’ai commencé à gagner de l’argent à l’heure pour parler de choses salaces. J’ai commencé à prendre des appels en portant des bustiers pelucheux, entourée de lubrifiant et de grosses verges roses, ma main se bloquait après m’être masturbée pendant des heures. Très vite, je me suis retrouvée à crier “Oui oui oui…”, tout en chargeant le lave-vaisselle.
Mon mari était dans l’armée à l’époque, j’ai donc gardé mon identité cachée, en utilisant les images d’un mannequin en ligne. La femme que j’ai choisie était une blonde, blanche, britannique, d’1m80. Une amie à moi, Josiane (nom d’emprunt) m’a dit que j’avais un visage de bébé comme au collège. Avec ce nouveau visage, il m’est venu une nouvelle personnalité.
C’était celle d’une fille mignonne, coincée dans la vallée, qui avait l’air d’être sur les collines et dont les parents rechargeaient la carte de crédit.
Outre le fait de conserver l’image d’une femme de militaire, l’échange de personnalités était une question de préservation de mon identité. Je voulais que le personnage soit tellement éloigné de moi que si quelqu’un disait quelque chose de méchant, ça ne ressemblait pas à une attaque personnelle.
Lorsque mon mari a quitté l’armée, j’ai commencé à utiliser des images de moi-même, et j’étais heureuse de constater que les hommes aimaient que quelqu’un de si mignon puisse être si méchant (si vous voyez le topo). Mais à ce jour, j’emploie toujours différentes personnalités, des étudiantes excitées, aux femmes strictes qui veulent que vous vous taisiez et que vous vous comportiez bien.
C’est une nécessité, afin de satisfaire la gamme de fantasmes à l’autre bout de la ligne. L’utilisation d’un mannequin pour moi n’est pas inhabituelle, c’est une pratique courante dans une industrie enveloppée de secrets. Les hôtesses de téléphone rose ont souvent d’autres emplois : avocats, infirmières, employés administratifs, et font ce travail pour augmenter leurs revenus tout en offrant un exutoire à des désirs qui, autrement, resteraient négligés.
J’en ai parlé à Rachelle (nom d’emprunt), une jeune fille de 28 ans. Elle a un de ces rires qui vous donnent envie de travailler dur pour l’entendre à nouveau, pétillants et sombres comme une mauvaise influence. Elle utilise un modèle pour son profil en ligne parce qu’elle ne veut pas avoir affaire à des personnes qui lui posent des questions ennuyeuses du genre “Et si quelqu’un reconnaissait ta voix à l’épicerie ?”.
Choisir un alter ego est, pour moi, une nécessité. Je suis un peu ennuyée de devoir mentir à mes parents et mes amis, surtout à mon petit-ami. Je leur dis souvent que travaille au service clientèle, ce qui est techniquement vrai. Ce que j’apprécie c’est la liberté que m’apporte l’anonymat. Je peux parler de préférences sexuelles dont je ne parlerais jamais à mes amis proches.
La plupart des personnes qui m’appellent savent que les photos ne sont pas réelles. Les modèles ont souvent les sourcils trop plissés et les mèches jaunes des années passées. Toutefois, les clients sont heureux de suspendre leur incrédulité lorsqu’ils entendent ma suave voix d’hôtesse de téléphone rose. Malgré mes trente piges, j’ai toujours l’air d’une étudiante à l’université.
Les hommes me disent presque toujours que j’ai une voix aguichante.
Personnellement, je pense que j’ai l’air d’avoir un défaut d’élocution. Certaines hôtesses de téléphone rose mettent des voix aiguës et féminines, mais il est clair qu’elles ont la soixantaine. J’utilise une application pour mettre la voix rauque de Patty et Selma des Simpsons. Plutôt que de me toucher, j’utilise des trucs auditifs pour simuler la masturbation. Pour simuler les bruits de mon sexe, je mets mes doigts dans la bouche.
Parfois, je les trempe dans un pot de crème hydratante. Pour les pipes, je prenais un vit, mais maintenant je fais juste des bruits de bâillonnement. Tant que cela signale qu’ils ont une verge énorme que votre bouche ne peut pas contenir, ça ira. Vous devez en plus être capable de feindre le plaisir pendant que les mecs décrivent l’insertion de forets dans leur urètre.
Étant donné qu’ils sont payés à la minute, une autre compétence essentielle du travail sexuel par téléphone est de garder les appelants en ligne. Certaines personnes disent que c’est manipulateur, d’une certaine manière, ça l’est, mais cela permet aussi à mes clients d’avoir un bien meilleur orgasme. Je peux dire à la façon dont vous respirez à quel point vous êtes proche de l’orgasme.
La plupart du temps, si un homme ne parle pas, c’est qu’il s’en rapproche, alors je lui pose une question qui n’est pas un oui ou un non, mais quelque chose qu’il doit décrire en trois mots ou plus, donc il doit s’arrêter et réfléchir. J’encourage aussi les mecs à faire des jeux de bord, en les amenant près de l’éjaculation et en les y éloignant, de sorte que lorsqu’ils atteignent enfin l’orgasme, c’est explosif.
Dans ces cas-là, plutôt que de raccrocher, ils prennent souvent un moment pour vous remercier, et je glousse en disant : Je sais que tu as beaucoup à nettoyer, mon tigre. »
